Il y a peu, une conversation m'a glacé le sang.
Nous discutions l'idée qu'il faille un jour prendre soin de son conjoint comme l'on prend soin d'un nouveau né, changeant les couches et nourrissant à la cuillère. Certaine du caractère naturel de cette promesse, je ne m'attendais pas aux réactions de mes amis les plus proches. Plusieurs voix semblaient s'accorder sur une vérité apparemment irréfutable : nul ne peut être certain d'avoir cette force et s'engager à honorer ce rôle quand l'heure sera venue.
Refuser d'abandonner son être cher lorsqu'il aura le plus besoin de nous serait un sacrifice immense, et faire la promesse de ce sacrifice serait faire preuve de naïveté.
J'ai compris alors ce qui faisait la différence entre eux et nous.
La valeur donnée à l'engagement.
Et quel terrible constat sur la place qu'a pris le couple dans notre société.
Les gens sont plus enclins à donner leur engagement à une compagnie de téléphone pour économiser quelques euros chaque mois qu'à un être inestimable contre la promesse d'une vie d'amour.
Il n'y a rien de surprenant à ce qu'ils se sentent si seuls, si tristes et pleins de doutes, si incertains de leur avenir et insécures. Si l'on ne peut pas même compter sur le soutien indéfectible de notre moitié, il ne reste qu'à compter sur soi. Et comment compter sur soi lorsque l'on sait que l'on a été incapable d'être une personne de confiance pour les autres.
"On ne sait pas ce que l'avenir nous réserve. Tu ne peux pas promettre d'aimer toute ta vie, et moins encore d'aimer malgré l'âge et la maladie."
Qu'est-il arrivé à "pour le meilleur et pour le pire, jusqu'à ce que la mort nous sépare" ?
Doit-on se résoudre à n'offrir que "pour le meilleur et le plaisir, jusqu'à ce que je sois las de toi" ?
Est-ce un problème de confiance en l'autre ou de confiance en soi ? Est-ce la peur de sacrifier à l'autre plus que lui n'est prêt à sacrifier ? Est-ce la peur de promettre à l'autre et de le décevoir ?
Tout le monde est capable d'engagement. Tout pousse à nous faire croire que l'engagement est une prison, un renoncement, une illusion dangereuse. Mais force est de constater que nul ne parvient à s'épanouir vraiment sans s'engager. La peur du lendemain n'existe pas dans l'engagement sincère. En t'offrant mon engagement, je m'offre le tien, je me promets une main dans la mienne pour affronter les jours mauvais.
Cela nécessitera des efforts. Il me faudra me battre contre les tentations, les fatigues, les contrariétés. Il me faudra conserver un voile de tendresse devant mes yeux pour te regarder et adoucir tes imperfections. Il me faudra trouver le courage de servir un maître, l'amour, qui a le pouvoir de me blesser de la pire des façons.
L'engagement n'a rien d'un renoncement. Ce n'est pas donné aux lâches.
Ce qui m'a le plus profondément choqué, c'est que parmi les défenseurs du "on ne sait pas" se trouvaient des couples mariés.
Mais comment se lever le matin avec sur les épaules le poids de telles incertitudes ? Comme l'alliance doit peser lourd au doigt de celui dont les vœux n'étaient pas parfaitement sincères.
Le mariage est un combat pour certains. Il l'est en ce qu'il demande de sacrifices, d'obstination et d'énergie. Mais il est alors le plus paisible des champs de bataille, car on ne peut y perdre tant que l'on s'y est engagé avec sincérité. On ne peut y perdre dès lors qu'on a compris que l'autre est le compagnon d'armes, pas l'ennemi.
Vient un moment où l'autre n'est plus un choix. Il est notre famille. Au même titre que l'on ne choisit ni ses frères, ni ses sœurs, ni ses parents, on ne peut plus défaire le lien qui nous unit à l'être aimé. Il ne reste alors qu'un devoir : celui de soigner cette relation, de la maintenir et de la chérir.
Je ne peux nier que ma sœur est ma sœur, que ma mère est ma mère, que mon époux est mon époux.
Le statut que j'ai choisi de te donner, je ne peux te le reprendre.
Pourquoi alors tant de divorces ? Pourquoi tant d'engagements rompus ? Pourquoi la tromperie, le mensonge, la violence ?
Les esprits malades n'ont à offrir que des engagements malades. Trop nombreuses en sont les victimes.
Si ton esprit est sain et que tu as la possibilité d'offrir un engagement réel, sincère et inaliénable, fais-le.
Si tu ressens le besoin d'avoir dans ta vie cette promesse d'une main dans la tienne pour affronter les jours mauvais, commence par tendre la tienne sans plus la retirer.
La majorité d'entre nous rêve du pouvoir de l'engagement. Mais trop nombreux sont ceux qui cachent ce désir profond par honte, par désir plus grand encore de conformité, par peur d'être rangé dans la catégorie des candides.
Accepte d'être perçu comme faible par les esprits faibles. C'est ta force.
Image de couverture de l'article : Photo de Ryan Franco sur Unsplash